Par l'Association canadienne pour la santé mentale, avec le soutien de kinésiologues
Les scientifiques parlent d’« étiquetage des émotions ». En termes simples, il s’agit de traduire ses sentiments en mots. Et cette pratique pourrait bien changer la manière dont vous répondez à vos émotions.
Les scientifiques parlent d’« étiquetage des émotions ». En termes simples, il s’agit de traduire ses sentiments en mots. Et cette pratique pourrait bien changer la manière dont vous répondez à vos émotions.
Quand on éprouve des sentiments « négatifs » – qu’il s’agisse d’anxiété ou de colère, de stress ou de tristesse, de frustration ou de peur – c’est souvent tentant d’ignorer ce qu’on ressent ou de le refouler. Les émotions désagréables, eh bien, elles sont ce qu’elles sont : désagréables. Elles sont carrément déplaisantes à vivre. On pourrait être porté à croire que le fait de reconnaître nos émotions, les dire à voix haute ou les écrire pourrait les rendre plus intenses ou les faire durer plus longtemps. On a parfois peur de se demander comment on se sent vraiment, précisément parce qu’on croit qu’en en parlant, les sentiments deviendront aussi plus réels et que ça leur donnera plus de pouvoir sur nous, mais ce n’est pas vrai!
La pandémie a été incroyablement dure à bien des égards. Et pour beaucoup de monde. Mais pour certains d’entre nous, la situation a été encore plus difficile. Si vous avez perdu des proches, la douleur peut avoir été insupportable. Si vous avez perdu votre emploi ou votre entreprise, vous vivez peut-être du désespoir. Et si vous étiez déjà vulnérable avant la pandémie, vous souffrez sans doute encore plus maintenant. Des recherches récentes de l’ACSM et de l’Université de la Colombie-Britannique (UBC) ont en effet montré que les personnes qui avaient déjà des problèmes de santé mentale avant la pandémie souffraient davantage depuis. C’est également vrai pour les personnes autochtones, les jeunes, les membres de groupes LGBTQ2+ ou les personnes handicapées. Le flot d’émotions négatives peut parfois nous paraître trop lourd à porter et on peut avoir tendance à croire que la seule option, c’est de repousser le tout et de prétendre que tout va bien.
En fait, des études ont montré que l’étiquetage des émotions (ou leur traduction en mots) est beaucoup plus utile qu’anticipé. Cette pratique peut réduire la force des émotions dites négatives. Accepter et accueillir une émotion douloureuse peut en fait vous aider.
A priori, il n’est pas si évident que le simple fait de dire « Je me sens mal » (ou triste, morose, en colère) peut aider à aller mieux. Mais c’est pourtant ce que la neuroscience suggère. Une étude de neuroimagerie réalisée par Lieberman et une équipe de chercheurs a révélé que le fait de mettre ses émotions négatives en mots perturbe et réduit l’activité de l’amygdale, la partie de votre cerveau qui stimule votre réponse au stress et à la peur. C’est comme lorsqu’on voit une lumière jaune sur la route : on appuie sur les freins. Le fait de mettre ses sentiments en mots, c’est freiner nos réactions émotionnelles.
Un autre groupe de scientifiques a présenté des résultats similaires. L’équipe a constaté que l’étiquetage des émotions augmente l’activité dans les régions préfrontales et temporelles du cerveau, responsables de traiter les mots et d’encoder leur signification. En d’autres termes, nommer avec précision ce que nous ressentons semble changer l’activité de notre cerveau. Une telle pratique nous aiderait ainsi à demeurer plus calmes et à comprendre ce que nous traversons.
Une étude plus récente, menée dans le monde réel, a examiné les effets de l’étiquetage des émotions sur 74 478 utilisateurs de Twitter. Ils ont constaté que les gazouillis (tweet) sur les émotions négatives étaient suivis d’une réduction immédiate et rapide des sentiments négatifs, ce qui venait confirmer et élargir la science de l’étiquetage des mots.
Il est remarquable que le simple fait de dire « Je me sens mal » ramène les émotions à leur niveau de départ.
La leçon à tirer ici est claire. Nommer ses sentiments peut aider à réduire l’intensité des émotions désagréables plus rapidement que nous ne l’imaginions. En revanche, les ignorer et souffrir en silence ne fait qu’empirer les choses.
Vous voulez voir la science en action? Voyez nos conseils pour calmer votre monde intérieur (Voir « 7 étapes pour apaiser votre monde intérieur à l’aide des mots») et passez de la théorie à la pratique. Quand on met les mots, on apaise les maux. Vous serez surpris(e) de voir à quel point ça aide.
Si des émotions vous submergent, persistent et/ou interfèrent avec vos activités quotidiennes, il est important d’aller chercher du soutien en santé mentale.
Références :
Torre, J. B., M. D. Lieberman, « Putting Feelings Into Words: Affect Labeling as Implicit Emotion Regulation », Emotion Review, vol. 10, no 2 (2018), p. 116–124. https://doi.org/10.1177/1754073917742706
https://www.scn.ucla.edu/pdf/Torre(2018)ER.pdf
Lieberman, M. D., N. I. Eisenberger, N. I. et coll., « Putting feelings into words: Affect labeling disrupts amygdala activity in response to affective stimuli » Psychological Science, vol. 18, no 5 (2007), p. 421-428. https://doi.org/10.1111/j.1467-9280.2007.01916.x
http://emotionnews.org/does-labeling-your-feelings-help-regulate-them/
Fan, R., O. Varol, A. Varamesh. et coll. « The minute-scale dynamics of online emotions reveal the effects of affect labeling », Nat Hum Behav vol. 3 (2019), p. 92–100. https://doi.org/10.1038/s41562-018-0490-5