Réf : Paulo Gentil, James Fisher, James Steele. (2017). A review of the acute effects and long-term adaptations of single-and multi-joint exercises during resistance training. Sports medicine, 47(5), 843-855.
Traduction et adaptation : Alexandre Paré - ATARAXIA
Introduction et mise en contexte
L’entrainement musculaire est bien connu pour favoriser une augmentation significative du volume et de la force du muscle squelettique et, par conséquent, d'améliorer les paramètres liés à la santé ainsi que de réduire le risque de mortalité.
Les exercices de musculation peuvent être classés en deux grandes catégories : les multiarticulaires (MA) et les uniarticulaires (UA). Les exercices MA recrutent plusieurs muscles ou groupes de muscles de manière synchrone, généralement classés comme muscle principal (prime mover) ou muscle secondaire (synergistes).
Par exemple, lors du développé couché (bench press), le grand pectoral est souvent considéré comme muscle principal (celui qui exerce une action dominante), tandis que le triceps et les deltoïdes antérieurs sont considérés comme des muscles secondaires pour ce mouvement précis (des muscles qui assistent au mouvement souhaité). Cette définition suggère que certains muscles jouent un rôle primordial dans la réalisation du mouvement tandis que les autres, les muscles synergistes, ont un rôle plus secondaire. Cette conceptualisation des rôles des muscles lors de mouvements précis a permis de bâtir certaines hypothèses selon lesquelles le muscle synergiste pourrait ne pas être suffisamment activé lors des exercices MA en raison de la prédominance du muscle principal.
À ce sujet, certains auteurs ont suggéré que l'hypertrophie musculaire surviendrait plus précocement avec des exercices UA par rapport aux exercices MA en raison des adaptations neurologiques prolongées qui sont requises pour les exercices MA. En conséquence, de nombreux entraineurs et des adeptes de la musculation croient que l'ajout d'exercices UA à un programme de musculation est nécessaire afin optimiser l’hypertrophie et la force.
De plus, des organismes respectés comme l’ACSM (American College of Sports Medicine), émettent des recommandations suggérant que les séances de musculation devraient inclure huit à dix exercices étant à la fois multiarticulaires et uniarticulaires.
À cette analyse, il convient aussi de considérer que le manque de temps est une raison souvent mentionnée quant à l’adhésion à un programme d’entrainement. Le temps nécessaire consacré pour atteindre ces recommandations peut être décourageant pour beaucoup de personnes. Par conséquent, il est important de trouver des stratégies qui réduisent le temps passé au gym sans en affecter négativement les résultats.
La musculation, qui engendre des réponses aigües au niveau de l’activation musculaire (EMG, microdéchirures et fatigue) amène aussi des adaptations à long terme (force et hypertrophie). En comparant les exercices MA et UA sur ces deux types d’adaptation, il serait permis de croire que la supériorité des mouvements UA serait remise en question. Si l'ajout d'exercices UA n'est pas nécessaire, il serait donc possible de concevoir des programmes d’entrainement plus courts ayant la même efficacité.
S’inspirant de cet état d’esprit, l'objet de la présente revue de littérature consiste à analyser les articles scientifiques qui ont étudié les réponses aigües et les adaptations à long terme suite à des séances d’exercices contenant des mouvements UA ou MU.
Méthodologie
Les études ont été jugées admissibles si elles étaient de véritables études expérimentales qui comparaient les effets des exercices MU, UA ou MU+UA. Les auteurs n’ont pas considéré les revues de littératures ou les résumés d’articles, ni même si elles impliquaient des populations symptomatiques ou des personnes ayant des problèmes articulaires ou musculo-squelettiques. Compte tenu de ces facteurs, 23 études ont été intégrées.
Résultats
Tant pour membres supérieurs qu’inférieurs, l'analyse de l'activité électromyographique de surface (EMG) suggère qu'il n'y a pas de différences entre les exercices UA et MA lorsqu’on compare le muscle principal. Par exemple, on obtenait les mêmes niveaux d’EMG en moyenne en comparant le squat et le leg extension (fait au même % du 1 RM) ou encore le fly et le bench press, pour ne nommer que ceux-là.
Une étude seulement comparait directement les effets des exercices UA et MA sur la récupération musculaire. Les résultats suggèrent que les exercices de UA créaient une augmentation de la fatigue et de la douleur musculaire plus importante que les exercices MA.
Les études comparant l’hypertrophie et le gain en force pour les muscles des membres supérieurs n'ont signalé aucune différence entre les exercices de UA et MA. De plus, aucun effet supplémentaire n’a été signalé lorsqu’on incluait des exercices de UA dans un programme d'exercice MU.
Au niveau des extenseurs lombaires, les études examinées ont tendance à soutenir que ce groupe musculaire spécifique pourrait plus bénéficier des exercices UA que des exercices MA.
En regard de l'analyse de la littérature actuelle, il semble que l'inclusion des exercices UA dans un programme de musculation n’est seulement justifiable que pour corriger des déséquilibres entre les différents groupes musculaires. Cela pourrait être le cas lors de la préparation des culturistes puisqu'ils sont évalués au niveau de la symétrie et de l’équilibre dans leur développement musculaire. Une autre utilisation possible serait dans un programme de réadaptation lorsqu'un groupe musculaire présente un déséquilibre et représente un risque de blessures ou de douleurs accrues, comme pour la coiffe des rotateurs, les ischio-jambiers et l’ensemble des muscles fessiers.
Conclusion
Les résultats de cette analyse suggèrent que l’ajout d'exercices UA dans un programme d’entrainement comprenant déjà des exercices MA ne donnerait pas d’avantages lors de la comparaison des réponses à court (EMG) et à long terme (force et hypertrophie), que ce soit chez des personnes entrainées ou non. La fatigue, la perception d’effort et la douleur semblent être plus importantes pour les mouvements UA. Cependant, comme cela ne semble pas s'accompagner d'une plus grande adaptation, l'utilisation de ces exercices sans distinction pourrait être préjudiciable car ils induisent un malaise plus élevé sans apporter de résultats supérieurs. La seule situation actuellement éprouvée dans laquelle les exercices UA pourraient être recommandés est celle destinée aux personnes souhaitant renforcer les extenseurs lombaires. En se basant sur ces résultats, les personnes qui font de la musculation pourraient ne pas avoir besoin d'inclure des exercices UA dans leur programme pour obtenir des résultats équivalents en termes d'activation musculaire et d'adaptations à long terme telles que l'hypertrophie et la force. Les exercices UA sont probablement justifiables uniquement pour renforcer les extenseurs lombaires et corriger les déséquilibres musculaires.